Portrait

LE FACTEUR
Marie-France PAN
L’écrivain marcel Pagnol a dit : « C’est le privilège des facteurs, ils connaissent le nom de tout le monde et personne ne connaît le leur ». En effet, je ne connais pas le nom de mon facteur, mais allons plus loin, faisons un peu plus connaissance avec ce métier.
Avant la Révolution française, la distribution du courrier dans les villes était assurée par un service privé, service sur lequel on ne pouvait pas toujours compter.
Du 14e siècle jusqu’au 16e siècle, le mot facteur désignait une personne qui faisait du commerce pour le compte d’une autre. Puis au 17e siècle, ce mot est utilisé pour désigner quelqu’un qui porte des lettres à leurs destinataires, mot utilisé pour la première fois en 1638. Les facteurs apparaissent d’abord à Paris, puis petit à petit dans les villes.

Ce n’est qu’en 1830 que le service de la poste rurale est créé. Pour être facteur, il fallait savoir lire, écrire et compter, ce qui était loin d’être le cas de tous les français à l’époque. Le facteur travaillait sept jours sur sept. Il devait être un bon marcheur et être en bonne santé, s’il tombait malade, il devait payer de sa poche un remplaçant. Il parcourait environ 25 kilomètres par jour, beaucoup plus au tout début de la création de ce service : 10 lieues par jour, c’est-à-dire 44 kilomètres ! Combien de kilomètres avait-il parcouru à pied en fin de carrière ? 6 fois le tour de la terre d’après les calculs de certains.Les facteurs étaient recrutés parmi les anciens soldats de l’Empire, car les militaires sont disciplinés et capables de faire de longs trajets à pied. Ils devaient prêter serment, jurer « d’être fidèle(s) au Roi des Français » et «garder et observer la foi due au secret des lettres ». Eh oui, à cette époque l’enveloppe n’existait pas, les gens écrivaient sur une feuille de papier qu’ils pliaient plusieurs fois sans y mettre un point de colle ou de cire. Aujourd’hui, les facteurs prêtent toujours serment mais le texte a évolué. Jadis, les lettres étaient en port dû, c’est-à-dire que c’était le destinataire qui devait payer. Avec l’arrivée du timbre-poste en 1849, c’est désormais l’expéditeur de lettres qui doit payer. Le facteur, figure incontournable de nos campagnes, est bien apprécié car, porteur de nouvelles, il rompt l’isolement. Très apprécié par les êtres humains, il l’est bien moins par les chiens. Quel est le facteur qui n’a jamais été mordu par un chien lors de ses tournées à pied ? La tournée du facteur a débuté à pied, puis au début du 20e siècle, la bicyclette a été progressivement adoptée. C’est le facteur qui devait acheter sa bicyclette. A La Versanne, le facteur a fait sa tournée à pied, puis en moto et en auto. Les bicyclettes n’avaient pas encore d’assistance électrique, très appréciée dans les zones de montagne. Il y avait un petit bureau de poste à La Versanne, bureau situé près de l’église dans l’épicerie Sabot. Tous les matins, les facteurs (ils étaient deux dans les années 1950) se rendaient à Peuillet pour attendre l’arrivée du car. Le car Garampazzi qui assurait le service transport de voyageurs entre Saint-Etienne et Annonay apportait aussi le courrier. Le ou les sacs étai(en)t réceptionné(s) par les facteurs puis monté(s) jusqu’au bureau de poste où le tri du courrier était effectué. Et les femmes ? Le métier de facteur était considéré trop dur pour les femmes, les factrices existaient cependant au 19e siècle, quelques- unes seulement mais comme remplaçantes. Pendant la Première Guerre Mondiale, les hommes étant sur le front, les factrices se sont imposées pour disparaître à la fin de la guerre. Même problème pendant la 2e Guerre Mondiale. En 1975 le concours de facteur est enfin ouvert aux femmes ! Pour l’administration, le facteur devient un préposé en 1957, le terme de facteur n’a cependant pas disparu, il est toujours utilisé par les habitants.

Il n’y a plus de bureau de poste à La Versanne depuis longtemps, mais nous avons toujours un facteur, un seul, reconnaissable à sa voiture jaune. Finis les uniformes d’antan d’inspiration militaire, finis les chapeaux haut de forme, finis les képis et les chapeaux de paille portés en été.
La tournée du facteur s’est singulièrement allongée pour atteindre plus de 100 kilomètres, notre facteur ne dessert pas que La Versanne, il dessert aussi Gimel, Thélis-la-Combe et une partie de Bourg-Argental. L’arrivée de sa voiture jaune est attendue avec impatience par certains. J’ignore en effet le nom de notre facteur, mais je le trouve sympathique, dynamique et efficace.

Pour en savoir plus :
Musée de la Poste. La Poste 2019.
Expo Archives Départementales de la Somme 2018. Florence Charpentier et Sophie Desmaret.
Dictionnaire historique de la langue française. Alain Rey.

Une tournée rurale parsemée d’anecdotes.
Témoignage de Vincent Junique, 14 Mars 2025  

Je suis né en Ardèche dans la vallée de la Vocance (07). La scierie familiale n’est pas assez importante pour dégager un salaire supplémentaire. Mon père me propose de chercher du travail. Je reste quelques jours aux Tanneries d’Annonay (07) mais sans grande conviction. Je suis embauché ensuite comme facteur en remplacement. Je fais la tournée à pied car je n’ai pas le permis. Je passe le concours des Postes à Privas.En 1974, le concours et le permis en poche, j’ai 20 ans, je monte 2 ans à Paris comme facteur. Je loge chez un particulier, les frais sont à ma charge et je rentre tous les 6 mois en Ardèche. Je demande ma mutation et on me propose un remplacement sur le canton de Bourg-Argental (42). Je commence la tournée à La Versanne (42) en 1976. Tous les matins à 7 h, à la poste de Bourg-Argental, je trie le courrier et les colis en vrac. Ensuite le tri terminé, je pars vers 8 h 30 en direction de La Versanne tournée n° 8. Je parcours 80 km tous les jours.  Je termine vers 14 h. De retour à la poste, je remplis un bordereau « réédition des comptes » (retour du courrier non distribué, somme d’argent ou colis en contre-remboursement) et je quitte mon poste vers 14 h 30. J’ai effectué cette tournée N°8 de novembre 1976 à novembre 2012 jusqu’à 58 ans avec en poche beaucoup de souvenirs.  

Tournée de Vincent Junique - Anecdotes et photos

Le passage du facteur.
Témoignage de Jean-Luc Vialette.

Après un début de carrière à Satillieu (Ardèche), départ pour une année parisienne. Retour pour 3 années lyonnaises et me voilà à Bourg-Argental.
Les trois 1ères années, je suis « rouleur » : remplacement des facteurs (vacances, arrêts maladie.)
Après, je serai titulaire d’une tournée. Lorsqu’on passe plusieurs années sur la même tournée, des liens de confiance se créent avec les clients.Jerends des services (pain, pharmacie). J’apporte les bonnes et les mauvaises nouvelles (décès, naissances, informations du village), car pour certains, la seule visite de la journée, c’est le facteur, surtout en période hivernale.
« Qu’est-ce que tu m’apportes ? 
  Ouvre la lettre et s’il faut donner une réponse ou faire un chèque, tu le feras. 
 Tu paieras le timbre et je te rembourserai »
Il y a aussi la période des calendriers où un bon accueil nous est réservé. Cela correspond aussi avec la tuée des cochons. Là, il vaut mieux aimer boudins, caillettes et saucisses. « Tenez facteur, vous gouterez bien le cochon ! »
L’hiver est là, la neige aussi…les routes glissent un peu. Je ne craignais pas la neige mais le verglas. Mais l’ensemble des communes déneigent assez bien.
– « Bonjour facteur, vous prendrez bien un café ? »… la dame prend sa cafetière et entame la discussion, mais le café ne se fait pas et l’heure tourne !
– « Entrez facteur, il fait froid, ily a de la neige, mangez une portion »
(saucisson, fromage, chocolat).
– « Ouh là là il est tard et vous n’avez pas mangé, asseyez-vous. J’ai un reste de civet, ça vous fera du bien ! il y en a pour deux minutes. « 
– J’entre dans la maison, sur la table, un litre d’eau de vie vide, un autre entamé. Le monsieur me dit, « je soigne mon rhume »… inquiété, je préviens la famille.
Avec l’arrivée d’internet, diminution importante du courrier, changement de mode de vie dans la milieu rural… que va devenir le passage du facteur ?

La poste vue par des enfants

sebastien moron, Facteur de la versanne en 2025

A découvrir

Un facteur célèbre.

Le facteur Ferdinand Cheval a construit un monument à Hauterive (26), de 1879 à 1912.
Le palais idéal du facteur cheval est un chef-d’œuvre de l’architecture naïve et de l’art naïf.
Il est classé au titre des monuments historiques depuis 1969.

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